NATHALIE CHRISTOPHE
J’ai choisi de m’exprimer sur papier comme sur métal. Ce qui m’anime, ce sont les lignes. La méthode choisie est la construction du paysage par le trait. Je vois évoluer la ligne en miniature au fur et à mesure. Tel un tissage, c’est une manière lente et fastidieuse de construire le paysage. La main élabore petit à petit le format ; je me laisse entraîner par la répétition, et le geste a comme une valeur hypnotique. Le travail s’arrête lorsqu’il y a épuisement.
Le répétitif, le sériel, la précision des détails, tous ses éléments s’imbriquent pour couvrir une surface : que se passe-t-il dans l’instant présent?
C’est le temps de la reconstruction intérieure, le trait immédiatement visible a une valeur de satisfaction comme s’il s’agissait d’assouvir une pulsion : celle du geste.
Un temps humain guidé par l’action de la main. Un temps en dehors de toute mécanisation. Le facteur temps rajoute du sens à ma production. C’est le poids précieux du temps intérieur.
Un temps peut-être révolutionnaire !
Mes derniers travaux sont principalement inspirés de végétaux observés dans la nature. Mes lieux de prédilection sont les terrains vagues, les talus, les champs, les fonds d’eau..., lieux où les herbes folles poussent sans vergogne. Infidèles, nomades, hasardeuses, elles sont capables de figurer des surprises.
Retranscrire la vivacité de ces herbes sauvages me stimule : leur ténacité, leur énergie, leur capacité à surgir. L’herbe possède la vigueur, mais la manifeste dans la lenteur, et avec délicatesse. Pour cela, méticuleusement, je dessine ou je grave des « pages d’herbes ». Traits après traits, des paysages s’agencent progressivement. Une écriture « trans-végétale » qui ne permet plus de distinguer le dedans du dehors. Une expérience immersive qui confond le ciel et la terre. Les prés seraient cette « sœur verte des nuages » que Rimbaud , pour sa part qualifiait de « clavecin des prés ».
Cette lecture du paysage se fait sur deux niveaux : tout d’abord l’esthétique des paysages qui tire le format vers une sorte de légère rêverie, puis très rapidement les détails nous suggèrent un fond cauchemardesque. Dans cet entre-deux se place une nouvelle notion du paysage qui devient aussi beau qu’inquiétant. Une narration légère et complexe prend place.
Quelque chose de renversant...